Fâché noir, Spotify, le géant du streaming musical, vient de tirer la «plogue» sur les Francofolies de La Rochelle.
Les Francos de Montréal seront sans doute la prochaine victime. Ce n’est pas que Spotify soit à court d’utilisateurs (550 millions, dont 220 millions d’abonnés Premium) ni à court d’argent (14,6 milliards $ de revenus), mais quand on est un géant, on ne se laisse pas dicter sa conduite. Le gouvernement français vient d’avoir la mauvaise idée d’imposer une taxe de 1,2% sur les revenus que Spotify réalise en France. La taxe rapportera à peu près 22 millions $ par année. Des pinottes pour une plateforme comme Spotify.
Chez nous, le gouvernement d’Ottawa veut aussi faire payer les géants du numérique qui ont acculé à la faillite l’industrie audiovisuelle, l’industrie de la musique et les journaux. C’est ce que le fédéral cherche à faire avec les nouvelles lois sur la diffusion continue et les nouvelles en ligne. Pour l’instant, seul Google a plié l’échine, encore que les 100 millions $ promis et indexés chaque année soient moins que ce qu’on espérait.
À la dernière minute, notre ministre des Finances Chrystia Freeland n’en a pas moins décidé de faire un petit cadeau du jour de l’An aux pauvres géants du numérique. Elle qui avait juré qu’ils seraient imposés à hauteur de 3% sur leurs revenus canadiens à compter du 1er janvier a finalement eu pitié d’eux. La taxe en question est remise aux calendes grecques!
La peur des représailles
Mme Freeland a-t-elle eu peur des représailles? Sans doute, car c’est à la suite de la décision du gouvernement français d’imposer cette modeste taxe de 1,2%, destinée à soutenir le Centre national de la musique, que Spotify ne commanditera plus les Francofolies et le Printemps de Bourges, un festival qui fêtera ses 47 ans en avril prochain. Mais où va donc tout l’argent que rapporte Spotify?
En dépit d’une croissance exponentielle de ses abonnés et malgré la mise à pied de 2300 employés, Spotify sera dans le rouge d’environ 150 millions $ encore cette année. De toute évidence, son créateur Daniel Ek a les yeux plus grands que la panse. Il ne cesse de faire des acquisitions et de lancer de nouveaux produits afin de neutraliser la concurrence, mais il est incapable de réduire ses dépenses de marketing, d’administration et de recherche. Au bout du compte, ce sont les interprètes et les compositeurs qui écopent.
Monsieur Ek prétend rémunérer les artistes plus généreusement que toutes les autres plateformes musicales, mais c’est faux. Il les paie à peu près comme Amazon, moins que Deezer et Apple, mais beaucoup plus que YouTube, le géant le plus mesquin.
C’est incompréhensible
J’ai bien essayé de comprendre la façon dont les grandes plateformes musicales rémunèrent les artistes, mais je n’y suis pas parvenu. C’est d’une complication kafkaïenne. En gros, disons que sur 10 dollars de revenus, elles versent environ 50 cents à l’artiste-interprète et 1 dollar en droits d’auteur au compositeur, mais un si grand nombre de variables, toutes déterminées par les algorithmes, interviennent qu’on ne peut se fier à cette moyenne.
Histoire d’économiser un peu, à compter de lundi prochain, les artistes et les compositeurs de Spotify qui ne génèrent pas 1000 écoutes par année ne recevront plus un sou. Mine de rien, la plateforme économisera ainsi quelque 55 millions $.
Bonne et heureuse année quand même, chers artistes!